Pourquoi et comment démembrer une assurance vie ?

L’assurance vie est un outil patrimonial majeur. 

Il permet entre autres de capitaliser en personnalisant son allocation à condition que le contrat soit assez qualitatif pour le permettre. 

Son objectif peut être également lié à la transmission de patrimoine, notamment pour des raisons fiscales.  Elle dispose pour cela d’un attirail large et finalement assez méconnu. L’une des possibilités simples est le démembrement de la clause bénéficiaire. Démembrer un actif ou dans ce cadre un contrat d’assurance vie, c’est dissocier l’usufruit de la nue propriété. Dans quel cas s’en servir et pourquoi ? Explications…

Qu’est-ce qu’un démembrement ?

Définition 

 

Pour développer ce que nous évoquions en préambule, le droit de propriété est composé de l’usufruit et de la Nue-Propriété (nous avons d’ailleurs fait un article sur le démembrement immobilier que vous retrouverez ici).

L’usufruit est le fait de jouir d’une chose et se compose de l’usus (le droit d’user, d’utiliser la chose) et du fructus (percevoir les revenus). 

La seconde prérogative caractérisant la propriété est l’abusus qui se résume au droit de disposer de la chose. C’est ce qu’on appelle la nue-propriété. Le Nu-Propriétaire pourra modifier, donner ou encore vendre la chose démembrée. Il y a donc un partage clair des dispositions de deux personnes (physiques ou morales) sur un bien ou un actif…

L’usufruitier et le nu-propriétaire ont également des devoirs. Par exemple, le Nu-propriétaire doit s’acquitter de toutes les charges liées par exemple au gros oeuvre. 

La valeur de la pleine propriété est l’addition de l’usufruit et de la nue-propriété

Le partage de valeur 

C’est l’âge de l’usufruitier qui va étalonner le partage de la valeur entre les deux droits. L’usufruit étant un droit temporaire, il y a une logique de l’évolution de sa valeur indissociable du temps. Plus l’usufruitier est jeune, plus la valeur de son usufruit est importante. Quand il vieillit, sa valeur diminue.

La valeur de l’usufruit et de la nue-propriété en fonction de l’âge de l’usufruitier

Age de l’usufruitierValeur de l’usufruitValeur de la Nue-propriété
Moins de 21 ans90 %10 %
Moins de 31 ans80 %20 %
Moins de 41 ans70 %30 %
Moins de 51 ans60 %40 %
Moins de 61 ans50 %50 %
Moins de 71 ans40 %60 %
Moins de 81 ans30 %70 %
Moins de 91 ans20 %80 %
Au-delà 10 %90 %

Il ne faut toutefois pas confondre avec le démembrement temporaire que l’on retrouve par exemple dans les SCPI ou certains biens immobiliers.

Pour mieux vous y retrouver, voici le simulateur du barème fiscal de l’usufruit et de la nue propriété du service public.

Pourquoi démembrer un bien immobilier, un actif financier ou encore un contrat d’assurance vie ?

Le code civil autorise à dissocier l’usufruit et la nue-propriété pour favoriser un certain nombre d’usages telle la transmission. L’objectif visé est le fait de pouvoir minorer la fiscalité et organiser sa succession. On peut le voir comme un aménagement plus personnalisé de la transmission de patrimoine. Certaines choses démembrées sont consommables pour l’usufruitier, on parle alors de quasi-usufruit. 

Qu’est ce qu’un quasi-usufruit ? Différence avec un usufruit

Le quasi-usufruit est lié à l’utilisation potentielle de la chose. Si la chose démembrée est consomptible, c’est à dire qu’elle peut être consommée, on parlera en ces termes de l’usufruit. 

Par exemple, une somme d’argent est consomptible. On parle également de quasi-usufruit concernant le vin, un compte bancaire, une valeur mobilière. La chose consommée est restituable et fongible. 

L’usufruitier devient dans ces cas débiteur de la somme d’argent qu’il a utilisée au moment où l’usufruit s’éteint. Il devra restituer la valeur en temps voulu au Nu-propriétaire. 

La convention de quasi-usufruit

Mais si l’usufruitier dépense une valeur trop importante ?

Lorsque le  quasi-usufruit s’éteint (souvent au décès du quasi-usufruitier), il devient débiteur du Nu-propriétaire, si toutefois il a utilisé une valeur supérieure à ce qu’il doit au Nu-propriétaire. Il a une dette de restitution à son égard.

Pour éviter les contestations et éviter les débats potentielles avec de l’administrations fiscale,  il est sage d’établir une créance de restitution. Cela permet de rendre le quasi-usufruit opposable sur la succession.

Malheureusement, il n’est pas rare de voir poindre des conflits lors d’une succession. Pour éviter des désagréments liés à des contestations, il faut dans ce cadre établir une convention de quasi-usufruit. En effet, la valeur du capital varie au fil du temps, il est dans l’intérêt des ayants droits d’organiser sa transmission par des règles initialement fiables.

Une convention de quasi-usufruit permet d’organiser la succession dans le sens où les règles et le montant de la créance de restitution est fixé. Cette pratique permet d’abroger les contestations.

Comment le démembrement d’assurance vie « fonctionne »? 

La clause bénéficiaire

La clause bénéficiaire est une composante importante de l’assurance vie. Elle est souvent trop négligée dans sa formulation. En effet, le cadre successoral en France étant rigoureusement normé, il faut pouvoir se saisir des pratiques possibles afin de faciliter ses desseins de transmission.

La clause bénéficiaire est la « solution » la plus envisagée et la plus simple afin d’organiser cela. Elle permet en effet grâce aux dispositions connues de l’assurance vie de partager le capital selon les choix de l’assuré.

Rien n’interdit d’aménager la clause bénéficiaire et de prendre des prérogatives quant aux bénéfices générés par exemple. L’assuré pourra spécifier de verser la plus-value au Nu-propriétaire…

L’assuré peut également déterminer la finalité de ses placements post-décès, en obligeant la finalité des fonds transmis : 

Obligation de remploi

Il peut être exigé à l’usufruitier d’employer les fonds à des desseins imposés tels l’acquisition d’un bien immobilier. Le souscripteur peut bien entendu « travailler » la clause bénéficiaire afin de structurer sa succession comme il le souhaite. Dans ce cadre, on parlera non pas de quasi-usufruitier mais bien d’usufruitier si la clause de remploi impose l’acquisition d’une chose non consommable (comme par exemple un bien immobilier). 

Comment et dans quel cas utiliser le démembrement pour son assurance vie ?

Dans les faits, sur un contrat d’assurance vie, la clause bénéficiaire va désigner le Nu-propriétaire et l’Usufruitier (quasi-usufruitier). Pour l’usufruitier, Il s’agit dans la plupart des cas de l’époux ou de l’épouse.  Concernant le Nu-Propriétaire il s’agit souvent d’un ou plusieurs enfants.

Au décès de l’usufruitier, l’usufruit rejoint la Nue-Propriété afin de reformer la Pleine Propriété. La personne pleinement propriétaire détiendra alors l’ensemble des droits sur la chose. 

Avant de penser à démembrer la clause bénéficiaire, il faut penser plus globalement à à la stratégie et calculer si cela est adapté à la situation. Finalement dans les faits, assez peu de successions ne sont pas exonérées de droits.

L’assurance vie a son propre barème de succession. C’est un instrument, une niche dans la transmission de patrimoine, plus efficace lorsque les primes versées par l’assuré sont faites avant son soixante-dixième anniversaire.

Rappel de la fiscalité de l’assurance vie

Primes versées avant le soixante-dixième anniversaire de l’assuré : 152 500 € d’abattement pour chacun des bénéficiaires nommés.

Au-delà la fiscalité est de 20 % sur les capitaux transmis jusqu’à 700 000 € transmis (en sus des 152 500 € bénéficiant de l’abattement). Après ce montant, la fiscalité des sommes (capital +intérêts générés) sera fiscalisé à 31,25 %.

En ce qui concerne les primes versées sur le contrat (versements) au-delà du soixante dixième anniversaire de l’assuré : l’abattement de sera que de 30 500 € pour tous les bénéficiaires. Ensuite, c’est le barème de succession qui est appliqué dans ce cadre. C’est donc bien moins avantageux.

Pour plus de détails, je vous laisse le lien sur notre page : tout savoir sur l’assurance vie

La fiscalité du démembrement de l’assurance vie

L’usufruitier étant souvent l’époux ou l’épouse (ou le partenaire de PACS) qui est exonéré de toute fiscalité, cela permet de ne pas appauvrir ce dernier si il a des besoins de liquidité tout en organisant sa transmission de patrimoine en diminuant la fiscalité. Le fait de démembrer diminue les droits de succession.

Lorsque l’époux est désigné en tant qu’usufruitier, l’objectif est avant tout d’alléger la transmission pour le Nu-Propriétaire. En effet, la loi TEPA a annihilé de payer les droits de succession entre l’époux ou Pacsés. Je vous laisse prendre connaissance du barème des droits de successions sur le site notaire.fr.

Elle peut ainsi réduire de plusieurs dizaines de milliers d’euros le poids de la fiscalité par rapport à un contrat classique, sans aménagement de la clause bénéficiaire.

Exemple de démembrement d’assurance vie

Monsieur Jean a versé sur un contrat d’assurance vie avant son ses 70 ans 250 000 €. Il désigne son épouse usufruitière et sa fille Clarice, nue-propriétaire.

Quelques temps après, alors que le contrat est valorisé à 300 000 €,  Monsieur Jean décède. Lors de son décès, sa femme a 68 ans. Ayant moins de 71 ans, elle avait alors 40 % de la valeur totale. 

Concernant ce cas, par l’application de la loi TEPA, le conjoint est exonéré de droits de succession à payer. Clarice, en revanche, est taxée à hauteur de 20% sur la valeur de la nue-propriété après le calcul de l’abattement, soit 60 % de 152 500 euros (art. 990 I du CGI) (au prorata de la valeur de sa nue-propriété), à savoir 91 500 euros (sa mère ayant une valeur de 60 % de la pleine propriété puisque âgée de 68 ans lors du pré-décès de son mari).

Le contrat est alors taxé à 20% sur une base de 208 500 euros, ce qui représente une fiscalité totale de 41.700 euros.

Si cette stratégie n’avait pas été appliquée et le contrat non démembré:

Dans ces cas-là, la nue-propriétaire aurait bénéficié d’un abattement correspondant à la fraction de la valeur de la Nue Propriété. sa mère ayant moins de 70 ans, la valeur de la NP est de 60 % de 152 500 €, c’est-à-dire 91 500 €.

Dans le cadre de 300 000 € transmis :

Usufruit : 120 000 € / Nue-propriété : 180 000 €

La fiscalité sera alors de (180 000 € – 91 500 €)* 20 % = 17 700 €

Si il n’y avait pas été appliqué ce démembrement, les droits auraient été de : 

300 000 – 152 500 € = 147 500 €

147 500 €*20 % = 29 500 €

La stratégie a pu générer un gain de 11 800 €

Si maintenant le contrat de 600 000 € avait été transmis :

Usufruit : 240 000 € / Nue-propriété : 360 000 €

La fiscalité sera alors de (360 000 € – (152 500 €*0,6))* 20 % = 53 700 €

Si l’assurance vie n’avait pas été démembrée et nommée Clarice en bénéficiaire.

600 000 € – 152 500 € = 447 500 €

447 500 €*20 % = 89 500 €

La différence et le gain seront alors égal à 89 500 € – 53 700 € = 35 800 €

Plus le montant transmis est important et plus la Nue propriété est faible en proportion à l’usufruit et plus l’opération sera intéressante.

Si l’âge de l’usufruitier est moins important

En reprenant notre exemple précédent et un transfert de 150 000 €.

Usufruit : 60 000 € / Nue-propriété : 90 000 €

La fiscalité sera alors de ((90 000 € – (152 500 €*0,6 %))* 20 % = 0 €

Si l’assurance vie n’avait pas été démembrée, elle (la personne nue-propriétaire) n’aurait pas payé d’impôt. Le démembrement doit être utilisé quand la somme à transmettre est au moins supérieure au montant de l’abattement de la pleine propriété. Sinon, ça ne sert pas à grand chose.

Les frais de succession

Reste à régler la question des frais de successions… Il y a également des aménagements prévus afin de régler cette question. Lors du démembrement, le nu-propriétaire ne touche pas les capitaux mais doit s’acquitter des frais.

Il y a des aménagements possibles. L’assureur peut prélever directement sur le contrat les frais de succession.

Le souscripteur peut également prévoir de transmettre un compte ou une assurance vie en pleine propriété.

Au sujet de l’IFI (Impôt sur la Fortune Immobilière)?

Seuls, les capitaux non « purement » financiers, dits productifs, sont exonérés d’Impôt sur la Fortune Immobilière. Il y aura donc une comptabilisation de la poche immobilière en SCPI, SCI, SCP dans votre assiette taxable à l’Impôt sur la Fortune Immobilière… (lire notre article sur l’assurance vie et l’immobilier).

Lors d’un démembrement, la loi stipule que le Nu-propriétaire et l’usufruitier devront déclarer la valeur détenue en fonction de leur quote-part. 

Notre avis sur le démembrement de l’assurance vie

Le démembrement de l’assurance vie est une bonne solution à condition que les montants de la transaction soient assez importants. Une transmission se prépare. C’est une organisation nécessaire si l’on ne veut pas que le travail d’une vie ne soit récupéré que par l’Etat et sa gestion souvent perfectible…

Le démembrement s’inscrit dans une logique de projection. Il permet notamment d’organiser et désigner, voire privilégier certaines personnes. Il s’établit ainsi également dans un objectif d’allègement des coûts liés à la fiscalité. 

Attention toutefois à ne pas considérer cela sans une stratégie globale de succession. En effet, le montant étant considéré à la date du démembrement, il faut envisager  la revalorisation des sommes et notamment par l’inflation. Cela peut est une source de discorde. Comme évoqué, une indexation (revalorisation annuelle par exemple) peut avoir une importance capitale. Certains des actifs auront une valorisation calculée le jour du décès. Il faut donc penser à l’effet du temps. 

En effet, l’inflation a une influence. La valeur d’un actif quelle qu’en soit sa nature évolue avec le temps et si l’usufruit rejoint la nue-propriété dans une dizaine d’années voire plus, est-il normal que la valeur transmise de celle-ci soit toujours la même ?  Il ne me semble pas. 100 000 € transmis il y a 15 ans n’a pas la même « valeur » qu’aujourd’hui. 

En l’absence de convention organisant la revalorisant de l’actif de l’usufruit, c’est la valeur à la date de la mise en place du quasi-usufruit qui sera retenue. Il est intéressant de réajuster celle-ci le cas échéant. 

Autres solutions d’optimisation de l’assurance vie

Ces points seront décrits plus longuement dans d’autres articles. N’hésitez-pas à vous abonner à la newsletter afin d’en bénéficier sur votre boîte mails. 

Optimiser la clause bénéficiaire

C’est un point important et à mon avis pas assez abordé. La rédaction de la clause bénéficiaire est à envisager de manière sérieuse. 
La clause bénéficiaire peut être changée à tout moment. Il est dans votre intérêt de réactualiser celle-ci régulièrement, notamment à chaque fois que votre situation patrimoniale, matrimoniale et vos souhaits (etc…) évoluent. Il faut bien évidemment penser à sa rédaction pour qu’elle soit recevable. Elle va également permettre de mieux appréhender votre succession et d’éviter les incompréhensions et tensions potentielles des ayants droits… 

La souscription en co-adhésion d’un contrat d’assurance vie (sous réserve de la validité juridique)

L’objectif est de privilégier exclusivement son conjoint. Il n’est utilisé que pour les couples mariés.

  • Avec dénouement au premier décès : la ou les personnes bénéficiaires perçoivent le contrat : capital et intérêts. Il faut bien entendu que les actes de gestion (hormis les arbitrages) soient effectués conjointement. Il est encouragé de souscrire individuellement pour chacun des époux un autre contrat d’assurance-vie pour bénéficier de l’antériorité fiscale de celui-ci et et ainsi pouvoir y déposer le capital du contrat dénoué.
  • Avec dénouement au second décès : Cette disposition n’est autorisée qu’au couple marié sous le régime de la communauté universelle. Le but est de protéger le conjoint survivant. Au premier décès, le contrat continue de faire ses effets et garde son antériorité fiscale. Pendant la période de co-gestion, tous les actes doivent être faits et signés par les deux souscripteurs.

Pourquoi souscrire conjointement un contrat d’assurance vie ?

Tout simplement à des fins fiscales. Cela se résume à deux faits importants qui tendent vers le même but. La protection du conjoint survivant.

  • Pas de récompense à devoir lors du premier décès,
  • antériorité fiscale du contrat (abattement après huit ans de 4 600 € pour le conjoint survivant),
  • pas de partage de propriété avec les héritiers.

Nous ferons un article plus détaillé sur le sujet par la suite. 

Bilan du démembrement de l’assurance vie

Démembrer la clause bénéficiaire d’une assurance vie n’est pas adapté à tout le monde. Elle permet cependant lorsqu’il existe une utilité d’alléger sa facture fiscale en utilisant une méthode simple.  

Nos exemples mis en exergue montrent bien l’intérêt pécuniaire de la manoeuvre. On pointe facilement les deux vecteurs importants dans cette stratégie :

  • l’âge de l’usufuitier et
  • le montant transmis. 

L’axe majeur de cet outil est d’entretenir un partage usufruitier/Nue propriétaire. Il s’agit de ne pas appauvrir  l’usufruitier mais de générer une optimisation successorale du Nu-Propriétaire. 

Le démembrement est une technique adaptée pour bien des actifs. Elle permet également de transmettre notamment des biens immobiliers et s’inscrit dans un objectif global de transmission…

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